Désormais journaliste spécialisé santé à la BBC, Seydina Alioune Djigo est d’abord un mordu de sport en particulier de foot. Panafricain lors des coupes du monde, amoureux de l’AS Monaco et immense fan des sentinelles, l’ex journaliste à la Rts vit le foot avec une passion débordante. Il se souvient de l’effervescence de la CAN 92 au Sénégal alors qu’il n’avait pas 6 ans, de la ½ finale de Can en 2002 entre le Nigeria et le Sénégal, son meilleur moment foot. Avec pas mal de hauteur et un brin de philosophie, il s’est prêté au jeu de votre rubrique préférée Le Foot et Moi.
Seydina quel fut ton 1er contact avec un ballon ?
Mon premier contact avec un ballon remonte à assez longtemps que je ne saurai vous dire avec certitude. Au Sénégal, l’un des premiers jouets que l’on offre à un garçon c’est un ballon. Je dirais quand j’avais 2, 3 ans à la fin des années 80. Passés ces balbutiements, j’ai commencé à jouer au foot d’une manière régulière à Fass où j’ai le plus grandi. Entre les tournois de quartiers et les jeu annexes comme le “dougal but toglo” ( jeu de football à un camp où le buteur faisait sortir qui il voulait des participants) on ne s’ennuyait pas.
Quelle est la 1ère équipe de football que tu as supportée ?
Sans aucun doute le Sénégal, c’était lors de la CAN à domicile en 1992. Il régnait à Dakar une effervescence autour de cette compétition. J’avais presque 6 ans et en classe de C.I, nous nous plûmes à reproduire le dessin en couverture de la plupart des cahiers de classe qui n’était autre que le logo du tournoi. La magie du football prenait tout son sens quand on voyait l’opposant à l’époque Abdoulaye Wade jubiler aux côtés de la première dame Elisabeth Diouf. Dommage que cela ait tourné court avec l’élimination en quart. Après il y a la coupe du monde 1994 et ma première nuit blanche infligée par le football. Le tournoi se jouait aux Etats unis, avec le décalage horaire, il fallait rester debout jusque tard dans la soirée pour regarder l’équipe que je supportais, le Nigéria, gagner son premier match face à la Bulgarie. Les images de Yekini célébrant seul son but dans les filets sont mémorables. Depuis tout petit, c’est toujours ma fibre africaniste qui s’exprime dans un tournoi. Je supporte toujours une équipe du continent quand le Sénégal n’y est pas représenté. Cela n’empêche pas tout de même de ressentir un attrait pour la Roumanie de Hagi ou le Brésil de Romario.
Et en club, quel est l’équipe qui t’a fait vibrer ?
D’abord comme la majorité des personnes de ma génération, Marseille. La ligue des champions gagnée en 1993 avait une saveur particulière pour tous les fans de Abedi Pelé que nous étions. Il était à l’époque de bon ton chez les enfants d’avoir la petite queue de cheval du ghanaén. J’étais content pour lui après qu’il ait échoué d’une manière assez tragique à Dakar n’ayant pas joué la finale pour cause de cumul de cartons. Sinon ma conscience footballistique si je puis dire s’est formée avec Monaco quand le jeune entraîneur Claude Puel a pu gagner le championnat de France en 2000 avec une génération sublime composée de Simeone, Trézéguet, Rafa Marquez. Depuis cette époque je suis un fervent supporter de cette équipe qui j’avoue n’est pas trop populaire sous nos cieux. Heureusement qu’elle me le rend bien avec de belles soirées. Le jour du match retour face au Réal de Madrid en ligue des champions en 2004 (le club espagnol avait gagné 4-2 à l’aller), j’avais porté au lycée le maillot de Monaco et j’ai subi les railleries de mes camarades de classe qui étaient convaincus que le miracle ne pouvait pas se produire au Rocher. Mais je pouvais fièrement porter à nouveau le maillot monégasque le lendemain mon club ayant réussi à se qualifier en demi finale (victoire 3-1). On connaît la suite: défaite en finale de Ligue des champions face au F.C porto et échec en championnat malgré une avance de 11 points devant Lyon au classement. Mais cela reste une année particulière pour mon club de coeur. C’est le seul club que je supporte en Europe, les autres je les suis pour la beauté du jeu ou parce qu’il y a des sénégalais qui y excellent. Par pur opportunisme par contre, je choisissais systématiquement comme équipe l’Inter de Milan quand je jouais au P.E.S à l’époque de Davis et de Adriano. S’agissant des clubs au Sénégal, la Jeanne d’Arc de Dakar m’a beaucoup marqué lors de son épopée en ligue des champions africaine en 2004. Vivement son retour dans l’élite du football sénégalais.
Seydina, as-tu pratiqué le football et jusqu’à quel niveau ?
J’étais ce qu’on peut appeler un footballeur timide qui était quelque peu inhibé dès qu’il se mettait à jouer hors de son environnement. Certains vont dire que je cherche à me donner des excuses (rires) mais je demeure convaincu que j’aurais pu être meilleur footballeur si j’avais appris à dominer ma timidité. Mon parcours en tant que joueur est donc anecdotique mais il s’est vite transformé en une passion pour le football à la télé. Mon cousin et moi Abdoul Aziz Kane (journaliste sportif qui est passé par la TFM avant d’embrasser le métier de communicant) nous amusions à baisser le volume de la télé lors de matches pour les commenter. C’était assez jouissif, j’étais surtout bluffé par mon cousin qui maîtrisait déjà ce genre du journalisme sportif. Je passais aussi des après midi de foot chez le légendaire journaliste Abdoulaye Diaw dont le fils Cheikh Diaw est un de mes meilleurs amis. Les analyses, les commentaires dont nous étions adeptes donnaient j’imagine déjà le ton d’une carrière dans le journalisme sportif.
Quel est le premier match que tu as couvert en tant que journaliste sportif ?
Niarry Tally vs Port, C’était en 2010. Un vendredi, Abdoulaye Dabo, rédacteur en chef du desk sports de la RTS à l’époque, répartissait les tâches pour le week-end. Il a demandé au stagiaire que j’étais, qui était là pour seconder Hawa Seydou Diop qui animait le journal en anglais, si cela me tentait de couvrir le match Niarry Tally vs Port. J’ai tout de suite dit oui. Quand mon reportage est passé dans le journal de 20h le Lundi, il a trouvé qu’il était de qualité et il m’a pris sous son aile.
Peux-tu nous décrire l’effet que ça te fait de regarder un match de foot ?
C’est indescriptible. Il n’y a que le foot qui peut me faire crier de joie même si je le fais de moins en moins quand même. Je dois reconnaître que regarder un match du Sénégal ou de Monaco me procure de fortes sensations. Après mon emploi de journaliste spécialisé désormais en santé fait que je n’ai pas forcément le temps de suivre assidûment les matches. Je me rattrape avec les émissions sportives.
Quel est ton meilleur souvenir foot ?
Sans hésiter la demi-finale de Coupe d’Afrique entre le Sénégal et le Nigéria en 2002. C’était un match tellement rempli de suspens. Quand Aghahowa avait égalisé vers la fin, j’avais peur de revivre la désillusion de 2000 en quart de finale, le même Aghahowa avait assommé nos espoirs. Le deuxième but marqué par Salif Diao était vraiment bienvenu. Après il fallait attendre la fin des prolongations pour une délivrance.
Y’a-t-il un joueur de foot en activité qui t’impressionne particulièrement ?
Par pure subjectivité, je dirais Fabinho (le brésilien a joué à Monaco et fait partie de la génération qui a remporté la ligue 1 en 2017). Je suis souvent attiré par les joueurs qui sont au coeur de la construction du jeu. Je suis actuellement séduit par Thiago Alcantara. À 29 ans, on sent qu’il arrive à maturité. Il peut valoir beaucoup de satisfactions pour le Bayern et l’Espagne. Dans le passé, j’avais un gros kiff pour Redondo. Il avait une élégance et une vista à nul autre pareil. J’ai toujours en mémoire son excellente prestation face à Manchester United en quart de finale de Ligue des Champions en 2000. Un bijou de dribble infligé à Henning Berg et une merveille de passe décisive à Raùl. Dommage qu’on ait eu un goût d’inachevé après cette épopée du Réal, il a dû écourter sa carrière au Milan AC à cause d’une blessure au genou. Et summum de l’élégance, le monsieur par principe n’a pas voulu toucher de salaire durant son invalidité. En équipe nationale durant l’épopée 2002, mon joueur favori c’était Sylvain Ndiaye, il n’a jamais su s’affirmer mais quel potentiel. Voilà un vrai gâchis du football sénégalais, on avait notre Iniesta. Il fallait le voir jouer à Lille pour en être convaincu.
Racontes-nous une anecdote foot…
Le quart de finale de la CAN 2017 face au Cameroun. Après la défaite face aux lions indomptables, le bus dans lequel j’étais ramenait une partie des journalistes du stade de Franceville. Il a failli tomber du haut d’une colline. Le véhicule est allé jusqu’en haut de la colline avant de commencer à reculer en toute vitesse. Nous avions tous eu peur, en une dizaine de secondes tout le monde dans le bus a oublié la tristesse de la défaite, se transformant en oustaz avec des prières à voix haute (rires). Nous avions littéralement frôlé la mort. Heureusement que le chauffeur a pu garder son sang froid et maîtriser le véhicule. C’était décrété par le plus haut, nous ne devions pas mourir ce jour là. Ce type d’expérience te fait définitivement comprendre qu’il y a plus important que la passion du foot. Il faut la nourrir mais il ne faut jamais en être prisonnier.
Propos recueillis par Moustapha M. Sadio